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Un magnétar remet en cause l’origine des FRB répétitifs

Une équipe scientifique internationale dirigée par Grégory Desvignes, et impliquant Jérôme Pétri de l’Observatoire astronomique de Strasbourg, a utilisé les radiotélescopes d’Effelsberg et Jodrell Bank pour observer un magnétar en précession – une étoile à neutrons hautement magnétisée et ultra dense – peu de temps après un sursaut de rayons X et sa réactivation radio. Cette précession a disparu en seulement quelques mois, remettant en question certains modèles utilisés pour expliquer l’origine des mystérieux sursauts radio rapides (FRB pour fast radio bursts en anglais) répétitifs.

Les magnétars sont des étoiles à neutrons dotées de champs magnétiques extrêmes et torsadés, vestiges de l’effondrement d’étoiles massives en fin de vie. Ces objets sont si denses qu’ils contiennent 1 à 2 fois la masse du Soleil dans une sphère presque parfaite d’environ 12 km de rayon. Sur les 30 magnétars connus, seuls quelques-uns ont occasionnellement émis des ondes radio, leur faisceau radio balayant le ciel comme un phare. Les magnétars sont considérés comme la source des sursauts radio rapides, certains modèles invoquant les magnétars en précession libre comme responsables des sursauts radio rapides répétitifs.

Représentation d’un magnétar en précession avec son champ magnétique torsadé et son faisceau radio pointant vers la Terre. © Gregory Desvignes / MPIfR

XTE J1810-197 est un magnétar situé à environ 12 000 années-lumière dans la direction de la constellation du Sagittaire. Ce magnétar tourne sur lui-même en 5.57s et a un champ magnétique d’environ 30 milliards de Tesla à sa surface, soit un milliard de fois plus élevé que l’aimant le plus puissant créé sur Terre. Après une décennie de silence radio, XTE J1810-197 s’est réveillé en novembre 2018 avec un sursaut de rayons X et une forte émission radio.

Lors de la campagne d’observation intense qui a suivi ce sursaut fin 2018, l’équipe a remarqué des variations systématiques dans les propriétés de la lumière radio, notamment sa polarisation, révélant un changement d’orientation du faisceau radio du magnétar par rapport à la Terre. Cet effet a été attribué à la précession qui résulte d’une légère asymétrie dans la structure du magnétar (avec une déformation inférieure à quelques millimètres !), montrant un mouvement similaire à celui d’une toupie. La précession s’est rapidement amortie au cours des mois suivants avant de disparaître, ce qui contredit plusieurs modèles selon lesquels les sursauts radio répétitifs peuvent être expliqués par des magnétars en précession. L’étude approfondie de l’amortissement de la précession pourra aussi améliorer nos connaissances sur la structure interne des étoiles à neutrons.

Article : A freely precessing magnetar following an X-ray outburst, Desvignes et al. 2024, Nature Astronomy.
Contact scientifique : Jérôme Pétri, jerome.petri@astro.unistra.fr

La galaxie la plus sombre ?

Découverte du plus faible satellite de la Voie lactée.

UMa3/U1

Vue de la galaxie UMa3/U1 dans plusieurs relevés astronomiques : PanSTARRS DR1 (en haut à gauche), DESI Legacy survey (en haut à droite), DECaLS DR5 (en bas à gauche), et SDSS9 (en bas à droite). L’ellipse rouge correspond à la dimension indiquée dans l’article.

Les galaxies sont généralement considérées comme des collections majestueuses de milliards d’étoiles, souvent disposées en disque, qui hébergent de majestueux bras spiraux au sein desquels se forment de nouvelles étoiles. Mais les galaxies couvrent une large gamme de masses: les plus massives contiennent des centaines de milliards d’étoiles, tandis qu’à l’autre extrémité on connaît des galaxies qui ne contiennent que quelques milliers d’étoiles.

Une équipe internationale de scientifiques qui incluent des chercheurs de l’Observatoire astronomique de Strasbourg rapporte dans le journal The Astrophysical Journal la découverte d’un groupe d’étoiles anciennes qui forment un satellite en orbite autour de la Voie lactée. Ce groupe, repéré dans les données du relevé “Ultraviolet Near-Infrared Optical Northern Survey” (UNIONS) obtenues grâce au Télescope Canada-France-Hawaï (CFHT), et confirmé par les données de suivi des observatoires W.M. Keck, se compose de seulement quelques douzaines d’étoiles brillantes réparties sur un volume de seulement 10 années-lumière. C’est infime comparé à la Voie Lactée, qui contient plus de cent milliards d’étoiles et mesure cent mille années-lumière.

L’objet, nommé Ursa Major 3/UNIONS 1 (ou UMa3/U1 en bref), est constitué d’étoiles vieilles de plus de 10 milliards d’années. Il s’agit soit de l’amas d’étoiles anciennes le plus faible connu à ce jour, soit de la galaxie naine la plus sombre jamais découverte.

Si UMa3/U1 est un simple amas d’étoiles, nous l’observons très probablement au cours des toutes dernières étapes de son existence, alors que les forces de marée produites par la Voie Lactée finissent de le déchiqueter. Ce processus de destruction est constant depuis la formation de notre Galaxie et de tels événements ont contribué à construire les environs de la Voie Lactée, son “halo” stellaire. La découverte d’UMa3/U1 en fin de vie permettra de comprendre à quelle fréquence de tels événements se produisent encore aujourd’hui et quelles sont les limites des amas stellaires.

Le deuxième scenario qui indique que UMa3/U1 est une galaxie extrême est le plus excitant, car la présence de satellites anciens, très sombres et fortement dominés par la matière noire est une prédiction fondamentale du modèle cosmologique actuellement privilégié ΛCDM. Celui-ci prédit que des galaxies comme la Voie lactée ont accumulé des centaines de satellites au cours de leur formation et de leur assemblage. Confirmer la présence de matière noire dans UMa3/U1 est donc essentiel pour élucider son origine. La confirmation directe nécessite des spectres stellaires de très grande qualité qui ne sont pas encore disponibles.

Quelle que soit la véritable nature d’UMa3/U1, la découverte même d’un satellite aussi extrême autour de la Voie Lactée témoigne de la qualité de la cartographie photométrique fournie par UNIONS et du fait que d’autres satellites de la Voie Lactée attendent encore d’être découverts.

Article: The Discovery of the Faintest Known Milky Way Satellite Using UNIONS, Smith et al., 2024, ApJ, 961, 92.
Contact scientifique: Nicolas Martin nicolas.martin@astro.unistra.fr