La phase d’observation du ciel de Gaia, la mission de cartographie de la Voie lactée de l’ESA, est terminée ; Gaia a accumulé au cours de la décennie passée plus de trois trillions d’observations d’environ deux milliards d’étoiles et d’autres objets, avec pour objectif de révolutionner la manière dont nous voyons notre Galaxie et notre voisinage cosmique.
Lancée le 19 décembre 2013, le réservoir de carburant de Gaia est presque vide – la mission utilise une douzaine de grammes de gaz froid par jour pour se maintenir en rotation avec une précision de pointe. Mais la mission est loin d’être terminée. Des tests technologiques sont prévus dans les semaines à venir avant le transfert de Gaia sur son orbite de « retraite », et deux volumineuses parutions de données (Gaia DR4 et DR5, DR signifiant Data Release) sont prévues respectivement vers 2026 et la fin de cette décennie. La dernière parution de données (Gaia DR3) a eu lieu en juin 2022, et les données sont accessibles grâce aux outils du CDS.
« Nous marquons aujourd’hui la fin des observations scientifiques, et nous célébrons cette incroyable mission qui a dépassé toutes nos attentes, avec une durée de vie presque deux fois supérieure à celle initialement prévue », explique la directrice de la Science de l’ESA Carole Mundell.
« La mine de données collectées par Gaia nous a donné des informations uniques sur l’origine et l’évolution de notre Galaxie, la Voie lactée, et a également transformé l’astrophysique et la science du Système solaire d’une manière que nous n’évaluons pas encore pleinement. Gaia s’appuie sur une excellence européenne unique en matière d’astrométrie et laissera un héritage durable aux générations futures. »
« Après 11 ans dans l’espace, pendant lesquels elle a survécu aux impacts de micrométéorites et aux tempêtes solaires, Gaia a terminé sa collecte de données scientifiques. Tous les regards se tournent maintenant vers la préparation des prochaines parutions de données », explique Johannes Sahlmann, scientifique du projet Gaia.
Gaia compose la meilleure carte de la Voie lactée
Gaia a cartographiée les positions, distances, mouvements, changements de luminosité, compositions et de nombreuses autres caractéristiques des étoiles en les observant avec ses trois instruments à de nombreuses reprises au cours de la mission.
Cela a permis à Gaia d’accomplir son objectif principal, celui de construire la plus grande et la plus précise carte de la Voie lactée, qui nous montre notre galaxie comme aucune autre mission ne l’avait fait auparavant.
De ce fait, nous disposons maintenant de la meilleure vue reconstituée de ce à quoi pourrait ressembler notre galaxie pour un observateur extérieur. Cette nouvelle vue d’artiste de la Voie lactée intègre des données de Gaia utilisées dans une multitude d’articles au cours de la dernière décennie.
« Elle contient des changements majeurs par rapport aux modèles précédents, car Gaia a changé notre perception de la Voie lactée. Même certaines idées de base ont été revues, comme la rotation de la barre d’étoiles au centre de notre galaxie, le gauchissement du disque, la structure détaillée des bras spiraux, et la poussière interstellaire à proximité du Soleil », explique Stefan Payne-Wardenaar, visualisateur scientifique à l’Institut d’astronomie Max Planck, en Allemagne.
« Les plus lointaines parties de la Voie lactée ne sont néanmoins encore que des suppositions éclairées, basées sur des données incomplètes. Avec les prochaines publications des données de Gaia, notre vision de la Voie lactée gagnera encore en précision. »
Machine à découvertes de la décennie
Les mesures des distances, des mouvements et des caractéristiques stellaires faites par Gaia sont essentielles pour effectuer de l’« archéologie galactique » dans notre Voie lactée, et révéler des liens manquants dans l’histoire complexe de notre galaxie afin de nous aider à en savoir plus sur nos origines. Que ce soit de la détection de « fantômes » d’autres galaxies et de multiples flux d’étoiles anciennes qui ont fusionné avec la Voie lactée au début de son histoire à la recherche de preuves d’une collision en cours avec la galaxie naine du Sagittaire aujourd’hui: Gaia réécrit l’histoire de la Voie lactée et fait des prévisions sur ce que sera son avenir. C’est un des domaines de prédilection des chercheurs de l’Observatoire astronomique de Strasbourg, qui ont publié plusieurs résultats spectaculaires sur l’archéologie galactique.
En scrutant les étoiles de notre propre galaxie, Gaia a également repéré d’autres objets, comme des astéroïdes dans notre coin du Système solaire, ou des galaxies et des quasars – les trous noirs supermassifs qui sont des noyaux de galaxie actifs – en dehors de notre Voie lactée.
D’autres avancées scientifiques majeures se profilent !
Les équipes scientifiques et d’ingénierie de Gaia travaillent déjà à plein régime à la préparation du 4e catalogue de données Gaia (DR4), attendu en 2026. Le volume et la qualité des données s’améliorent à chaque sortie et Gaia DR4, qui devrait contenir 500 To de données, ne fait pas exception. Il couvrira en outre les 5,5 premières années de la mission, qui correspondent à la durée initialement prévue de la mission.
Gaia DR4 doit étoffer son catalogue d’étoiles binaires, le plus grand catalogue de ce type à ce jour. Gaia a une capacité unique à dénicher les minuscules mouvements de paires d’objets célestes orbitant les uns près des autres, et a déjà repéré des compagnons jusque-là cachés autour d’étoiles brillantes.
L’immense consortium de spécialistes du traitement des données va aussi intensifier les préparatifs en vue de la cinquième et dernière grande publication de données (Gaia DR5) à la fin de cette décennie, qui couvrira l’ensemble des 10,5 années de données de la mission.
L’équipe du CDS se prépare également à diffuser ces prochains catalogues qui vont devenir des références incontournables pour une génération d’astronomes.
Le plan de retraite de Gaia
Alors qu’aujourd’hui marque la fin des observations scientifiques, une courte période de tests technologiques va commencer. Ces tests ont le potentiel d’améliorer encore l’étalonnage de Gaia, d’en savoir plus sur le comportement de certaines technologies après dix ans dans l’espace, et même d’aider à la conception de futures missions spatiales.
Après plusieurs semaines de tests, Gaia quittera son orbite actuelle autour du point de Lagrange L2 ( à 1,5 million de km de la Terre dans la direction opposée au Soleil), pour être placée sur son orbite héliocentrique finale, loin de la sphère d’influence de la Terre. Le véhicule spatial sera passivé le 27 mars 2025, afin d’éviter de causer tout dommage ou interférence avec d’autres véhicules spatiaux.
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