Jakub Podgorný, qui a soutenu en décembre 2023 sa thèse effectuée en partenariat entre l’Observatoire astronomique de Strasbourg et la République Tchèque (Prague), vient d’obtenir le prestigieux prix national des thèses de doctorat en sciences naturelles en République Tchèque. C’est la plus haute distinction scientifique qu’un thésard peut recevoir dans ce pays.
Les trous noirs comptent parmi les objets les plus fascinants de l’univers. Ils nous permettent d’étudier le comportement de la nature et de ses lois dans un environnement où la gravité est extrêmement forte, ce qui n’est pas possible dans des conditions terrestres. Nous connaissons leur existence en particulier quand le trou noir est entouré d’un disque d’accrétion: la matière orbite dans le voisinage du trou noir dans une structure en forme de disque, avant de tomber à l’intérieur. Les disques d’accrétion des trous noirs sont fortement chauffés et, ils peuvent être accompagnés de jets de matière orientés perpendiculairement au disque, et ils rayonnent dans toutes les longueurs d’onde de la lumière. L’étude des rayons X très énergétiques émis par la matière se déplaçant à proximité immédiate des trous noirs nous permet de mieux comprendre certains des processus les plus énergétiques de la nature.
La thèse primée, intitulée « Polarisation des rayons X des trous noirs supermassifs en accrétion », est consacrée à l’explication de l’origine de la polarisation, c’est-à-dire du plan d’oscillation prédominant, de la lumière X à proximité des trous noirs supermassifs à l’intérieur des noyaux actifs de galaxie. Cependant, les résultats partiels sont de nature plus universelle et peuvent également être appliqués aux trous noirs de masse stellaire à l’intérieur des binaires à rayons X. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’état de polarisation des rayons X arrivant sur Terre depuis l’espace lointain a récemment été détecté avec une grande précision par le satellite IXPE (NASA, opérationnel depuis décembre 2021). Jakub Podgorný et ses directeurs de thèse Frédéric Marin (Strasbourg) et Michal Dovčiak (Prague) font partie de l’équipe de cette mission depuis avant sa mise en orbite, et ils n’ont pas manqué l’occasion d’étudier les deux types de trous noirs avec IXPE. Dans sa thèse, Jakub Podgorný examine tout d’abord les possibilités théoriques des processus physiques connus et des composants qui peuvent influencer l’état de polarisation de la lumière X à proximité des trous noirs.
Les rayons X sont produits dans ce que l’on appelle la couronne chaude, un nuage de gaz hautement ionisé dont les propriétés et la position par rapport au disque d’accrétion sont un mystère pour les astronomes depuis des décennies. Le disque d’accrétion, ainsi que des structures poussiéreuses plus éloignées, réfléchissent le rayonnement coronal et le polarisent. La situation est la même que celle de la réflexion des rayons solaires sur la surface de l’eau ou de la neige. Alors que les gens ordinaires portent des lunettes de soleil munies d’un filtre polarisant pour atténuer cette lumière, Jakub et ses collègues utilisent les télescopes les plus perfectionnés de la planète pour tirer le maximum d’informations d’un tel signal polarisé de trou noir, par exemple sur la structure du disque d’accrétion, qui est l’un des principaux problèmes non résolus de l’astrophysique contemporaine.
Le document explique en détail comment l’orientation de l’ensemble du système, les sous-composants les uns par rapport aux autres, et leurs propriétés telles que la température, la densité ou la forme, affecteront ce qu’un observateur sur Terre verra dans les rayons X polarisés comme s’il avait une loupe ou un microscope sur un objet aussi lointain. La connaissance de la masse et de la vitesse de rotation des trous noirs eux-mêmes est également cruciale pour comprendre les processus d’évolution dans le cosmos, qui affectent également la couleur et la polarisation de la lumière s’échappant de leur environnement en raison de la courbure correspondante de l’espace et du temps. Ces manifestations extrêmes des lois physiques connues, ainsi que d’autres, sont ensuite évaluées dans l’article par comparaison avec les toutes premières images IXPE. La série de modèles qui en résulte est également mise à la disposition des astronomes pour évaluer les futures images de trous noirs obtenues par des missions polarimétriques à rayons X qui suivront l’expérience révolutionnaire de l’IXPE. Jakub Podgorný a ainsi fourni l’un des outils clés pour une nouvelle ère de l’astronomie des rayons X. Jusqu’à présent, les astronomes spécialisés dans les rayons X ne disposaient que des outils traditionnels de décomposition de la lumière dans son spectre de couleurs et dans le temps. Le polarimètre à bord de l’IXPE ouvre une autre fenêtre sur l’Univers et permet de commencer à examiner des objets connus depuis longtemps sous une nouvelle perspective, apportant de nouvelles thèses aux tentatives d’explication des processus qui se déroulent, par exemple, autour des trous noirs.
Il n’est pas exagéré de dire que nous assistons à l’ouverture d’un nouveau chapitre auquel l’article lauréat a contribué dans une large mesure. Des résultats partiels ont été publiés dans des revues à comité de lecture, notamment Science et Nature Astronomy.
Plus d’informations :
Communiqué de presse de l’Université Karlova (en tchèque).
Retransmission sur la télévision nationale.
Le satellite IXPE.
Premiers résultats de IXPE sur les jets associés aux trous noirs supermassifs.