06 décembre 2019De la matière noire dans les amas globulaires?

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déc. 6 2019

Le grand champ de vue des observations Gaia autour de NGC 3201 nous permet de mesurer la dispersion des vitesses aux confins de l’amas. Celle-ci est significativement plus élevée (points rouges dans le graphique en haut à droite) par rapport à ce qui est attendu en dynamique Newtonienne (graphique en bas à droite). Ceci suggère la présence de matière noire, résidu de la formation de l’univers primordial, ou la présence de forces de marée étonnament élevées dues au potentiel de la Voie Lactée.

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Les amas globulaires sont des collections sphéroïdales denses d’environ un million d’étoiles très anciennes, qui sont en orbite autour d’une galaxie hôte, et sont de fait parmi les systèmes stellaires qui ont été étudiés depuis le plus longtemps (dès le XVIIème siècle). Cependant, leur formation demeure encore aujourd’hui l’un des phénomènes les plus méconnus de l’astrophysique moderne. Leur apparente simplicité en a fait au départ l’exemple parfait de systèmes de populations d’étoiles âgées et simples, caractérisées par une dynamique très simple, toute leur masse étant fournie uniquement par leurs étoiles. Néanmoins, on soupçonne aussi depuis longtemps que de tels objets auraient pu naître à l’intérieur de petits halos de matière noire assez légers, mais aucun effet de cette matière noire n’a jamais été observé directement dans la dynamique des amas globulaires, et ce jusqu’à aujourd’hui.

En analysant soigneusement les vitesses angulaires — mesurées avec le satellite Gaia de l’Agence Spatiale Européenne — des étoiles à la périphérie de l’amas globulaire NGC 3201, situé à 16 mille années-lumière du Soleil, une équipe d’astronomes de l’Observatoire astronomique de Strasbourg a maintenant peut-être détecté l’effet gravitationnel de la matière noire dans un amas globulaire pour la toute première fois! Ils ont découvert que les mouvements des étoiles (c.-à-d. la dispersion des vitesses des étoiles) sont beaucoup plus importants que ce à quoi on s’attendait a priori dans les zones externes de l’amas, et ce même en présence de l’effet perturbateur de la Voie Lactée produisant un échauffement dit « de marée ». La mesure pourrait donc indiquer que le chauffage de marée de NGC 3201 a été plus fort qu’attendu pour une raison inconnue, ou que de la matière noire est en effet bien présente dans l’amas.

La matière noire commencerait en effet à affecter la dynamique des étoiles dans ces régions externes, tandis qu’elle resterait sous-dominante dans les régions plus internes où la densité des étoiles est extrêmement élevée. Un tel effet pourrait-il également être une signature potentielle d’une modification de la gravitation? Les auteurs notent que l’effet mesuré serait un peu trop fort pour être expliqué par les modèles de gravitation alternative populaires, mais qu’il faudrait faire des simulations détaillées pour conclure de façon définitive en ce sens. Dans tous les cas, ce résultat ouvre la voie à une véritable révolution dans notre compréhension de la dynamique, de l’histoire et de la formation des amas globulaires. Y a-t-il quelque chose de vraiment particulier et d’anormal dans NGC 3201, ou s’agit-il d’un cas représentatif? Les amas globulaires ont-ils en fait presque tous de la matière noire? Pour le savoir, les auteurs envisagent maintenant d’étendre le champ de leur étude à un plus grand échantillon d’amas, en utilisant à nouveau les données de la mission Gaia.

Contact: Paolo Bianchini, paolo.bianchini@astro.unistra.fr

Article: Exploring the Outskirts of Globular Clusters: The Peculiar Kinematics of NGC 3201 (The Astrophysical Journal Letters), également disponible sur arXiv.