L’hydrogène est l’élément atomique le plus léger et le plus abondant dans l’Univers. Sur Terre, on le trouve combiné à d’autres atomes au sein de molécules ou sous forme de dihydrogène H2. Dans l’Univers, on peut trouver l’hydrogène sous forme d’atomes neutres isolés (HI). L’évolution des galaxies est principalement gouvernée par l’accrétion de ce gaz atomique du milieu intergalactique, puis par la conversion de ce gaz en étoiles. Par conséquent, les observations permettant de détecter du gaz atomique dans et autour des galaxies sont cruciales pour les études des modèles de formation et d’évolution des galaxies.
La méthode la plus directe pour explorer le gaz atomique est l’observation dans le domaine radio de l’émission de la raie de structure fine de 21 cm de l’hydrogène atomique. Le radiotélescope sphérique de 500 mètres d’ouverture (Five-hundred-meter Aperture Spherical Radio Telescope – FAST), construit dans le Guizhou en Chine, est actuellement le plus grand des radiotélescopes à une seule antenne au monde. La mise en service complète de FAST, avec son détecteur à 19 faisceaux, a ouvert une nouvelle fenêtre sur le gaz atomique dans l’Univers, en particulier pour le gaz diffus à faible densité loin des galaxies.
Une équipe internationale dirigée par Cong Xu (NAOC), et impliquant Pierre-Alain Duc (CNRS, Observatoire astronomique de Strasbourg), a utilisé le radiotélescope FAST pour effectuer une cartographie profonde de la région entourant le « quintette de Stephan » (un groupe compact de galaxies bien connu, et qui a été sélectionné comme cible des premières images du télescope James-Webb). Grâce à l’émission à 21 cm, ils ont découvert que le gaz atomique s’étendait sur 2 millions d’années-lumière (environ 20 fois la taille de la Voie lactée). Il s’agit de la plus grande structure de gaz atomique jamais découverte autour de galaxies. Cette découverte a été rendue possible grâce à une combinaison unique d’une extrême sensibilité, d’un grand champ de vue et d’une résolution angulaire compétitive.
Cette carte du gaz diffus a pu être comparée à la composante stellaire diffuse visible sur des images du quintette de Stephan obtenues à l’aide de la caméra MegaCam du télescope Canada-France-Hawaii (CFHT). La superposition de l’émission HI montre que la structure de gaz atomique s’étend bien au-delà des halos d’étoiles étendus qui enveloppent les galaxies du groupe et qui avaient été révélés par le CFHT. L’origine de ce gaz reste débattue. A-t-il été expulsé de galaxies ou provient-il du milieu intergalactique ?
Depuis sa découverte par l’astronome français Edouard Stephan en 1877, le quintette de Stephan n’a cessé de révéler des énigmes sur les interactions complexes entre les galaxies, mais aussi les interactions entre les galaxies et le milieu diffus dans les groupes de galaxies.
Ces nouvelles observations montrent qu’il existe un gaz diffus de faible densité à grande échelle, loin du centre du groupe, et que ce gaz est probablement là depuis environ 1 milliard d’années. La détection de ce gaz sous cette forme atomique et avec une si faible densité est mystérieuse, car on ne sait pas comment il peut survivre à l’ionisation par le rayonnement ultraviolet intergalactique sur une si longue échelle de temps.
Article : A 0.6 Mpc H i structure associated with Stephan’s Quintet, Xu et al. 2022, Nature.
Contact : Pierre-Alain Duc (CNRS) pierre-alain.duc@astro.unistra.fr