Une équipe internationale de chercheurs comprenant des astrophysiciens de l’Observatoire astronomique de Strasbourg, de l’Observatoire de la Côte d’Azur et de l’Observatoire de Paris a découvert les restes d’un amas d’étoiles dont les étoiles ont en commun d’être exceptionnellement déficientes en éléments lourds. Comme les générations successives d’étoiles enrichissent en éléments lourds le gaz interstellaire d’où naissent les futures étoiles, cet amas doit s’être formé à partir de générations d’étoiles très précoces et constitue une relique remarquable d’une époque où les toutes premières structures stellaires s’assemblaient. On ignorait l’existence d’amas d’étoiles aussi peu polluées en élément lourds ‒ certaines théories supposaient même que leur formation était impossible, d’autres qu’ils avaient déjà tous disparus ‒ ce qui fait de cette découverte un élément clé pour notre compréhension de la formation des étoiles dans l’Univers primordial.
Pour étudier les premières structures stellaires à se former dans l’univers, les astronomes peuvent se tourner vers les galaxies les plus lointaines, observées telles qu’elles étaient il y a longtemps, dans leur enfance. Il est également possible de se reposer sur « l’archéologie galactique » et d’étudier en détail les structures les plus anciennes de notre propre galaxie, la Voie Lactée. La grande majorité des étoiles qui nous entourent se sont formées, comme le Soleil, dans notre Galaxie. Cependant, une petite fraction des étoiles de la Voie Lactée, trouvée majoritairement dans sa périphérie, a été apportée par des galaxies plus petites qui ont donné leurs étoiles et leurs amas stellaires à la Galaxie. L’amas découvert a été amené par un tel processus, mais il a perdu ses étoiles au cours de son voyage autour de la Galaxie, sous l’effet des marées que celle-ci induit, laissant un “courant” d’étoiles dans le ciel.
Cette découverte passionnante est publiée dans la prestigieuse revue Nature et a impliqué de nombreux chercheurs, observateurs ou théoriciens, autour du projet Pristine. L’équipe internationale, dirigée par Nicolas Martin de l’Observatoire astronomique de Strasbourg, a dévoilé la remarquable structure de l’amas stellaire grâce à la combinaison des données de la sonde spatiale Gaia et des observations de plusieurs télescopes au sol.
Au départ, l’équipe de chercheurs a exploré la carte, d’une précision sans précédent, de l’emplacement et du mouvement des étoiles recueillie par la sonde Gaia, lancée par l’Agence spatiale européenne en 2013. Le développement d’un algorithme inédit a permis d’isoler les rares groupes d’étoiles se déplaçant de concert. L’une des structures découvertes de cette manière est un nouveau courant stellaire candidat que l’équipe a appelé « C-19« . En parallèle, l’étude Pristine, menée au Télescope Canada-France-Hawaï, à Hawaï, cartographie le ciel depuis 2015 pour mesurer systématiquement la fraction d’éléments lourds, ou « métallicité« , de millions d’étoiles (voir encadré). Une fois combinées, ces deux études ont révélé de manière surprenante que C-19 contient des étoiles avec une métallicité extrêmement faible.
Des observations très précises effectuées ensuite avec le télescope Gemini Nord à Hawaï et le Gran Telescopio Canarias à La Palma ont révélé que ces étoiles possèdent la signature chimique distincte des étoiles d’un amas. Ces observations détaillées ont également confirmé les taux exceptionnellement bas d’éléments lourds présents dans ses étoiles : moins de 0,04% du taux observé dans le Soleil et bien inférieur au taux de toute autre structure connue dans l’univers.
Ce vestige des temps anciens ouvre une fenêtre directe et unique sur les premiers âges de la formation des étoiles dans l’univers et sur la mise en place des structures stellaires à cette époque très reculée. Les cartes de la Voie lactée, en constante amélioration grâce à la mission Gaia et à l’étude Pristine, continueront à contribuer à la découverte de ces groupes exceptionnels d’étoiles qui sont de précieux fossiles des temps anciens.
Métallicité des étoiles
Le Soleil est composé à 98,5% par les deux éléments atomiques les plus légers de l’univers : l’hydrogène et l’hélium. La somme de tous les autres éléments atomiques plus lourds (carbone, oxygène, fer, etc.) ne représente que 1,5% de la masse totale de notre étoile. La grande majorité de ces éléments lourds est produite au sein des étoiles massives. Lorsque celles-ci atteignent les derniers stades de leur évolution, elles cèdent ces éléments au gaz interstellaire par le biais des vents ou lorsqu’elles explosent en supernovae. De nouvelles étoiles naissent de ce gaz interstellaire désormais enrichi, comme le Soleil il y a 4,5 milliards d’années. Cela implique que les premières générations d’étoiles étaient très pauvres en éléments lourds. Les étoiles qui composent le courant C-19 présentent des abondances en éléments lourds (appelées métallicité) 2500 fois plus faibles que celles trouvées dans le Soleil !
Article : A stellar stream remnant of a globular cluster below the metallicity floor, 2021, Nicolas F. Martin et al., Nature
Contact scientifique : Nicolas Martin – nicolas.martin@astro.unistra.fr
Contact communication : communication@astro.unistra.fr