28 février 2019Des bulles galactiques jouent au flipper avec des particules énergétiques

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févr. 28 2019

Image composite en rayons X (violet) et optique (orange et bleu) de la galaxie NGC 3079. Crédits: X-ray: NASA/CXC/University of Michigan/J-T Li et al.; Optical: NASA/STScI

Nous connaissons tous les bulles de savon ou de boissons gazeuses. Ces bulles dont on fait l’expérience quotidiennement sur Terre mesurent quelques millimètres, et consistent en un film liquide enfermant un petit volume d’air ou de gaz. Dans l’espace, cependant, on trouve des bulles très différentes – composées d’un gaz léger entouré d’un gaz plus lourd – et elles peuvent être gigantesques.

La galaxie NGC 3079, située à environ 67 millions d’années-lumière de la Terre, contient deux “superbulles” qui ne ressemblent à rien de connu sur notre planète. Deux régions en forme de ballons s’étendent de part et d’autre du centre de la galaxie: l’une d’entre elles mesure 4900 années-lumière de diamètre, et l’autre est un peu plus petite avec une taille de 3600 années-lumière environ. Et une année-lumière représente environ 9000 milliards de kilomètres.

Les superbulles de NGC 3079 émettent de la lumière sous forme de rayons X, et d’émission dans les domaines visibles et radio, qui peuvent être détectés par des télescopes de la NASA. Dans l’image composite ci-jointe, les rayons X mesurés par le satellite Chandra de la NASA sont représentés en violet, et la lumière visible observée par le Télescope Spatial Hubble est représentée en orange et bleu. La superbulle située au nord-ouest est clairement visible en rayons X, et on devine une émission plus faible venant de la superbulle inférieure.

Les nouvelles observations de Chandra montrent que dans NGC 3079, un accélérateur de particules cosmique produit des particules de très haute énergie en périphérie des superbulles. Ces particules peuvent être beaucoup plus énergétiques que celles créées au sein du Grand Collisionneur de Hadrons (LHC) du CERN, l’accélérateur de particules le plus puissant créé par l’Homme à ce jour.

Les superbulles de NGC 3079 apportent une preuve que de telles structures pourraient bien être la source de particules très énergétiques connues sous le nom de “rayons cosmiques” qui bombardent régulièrement la Terre. Les ondes de choc — semblables au bang supersonique provoqué par les avions passant le mur du son — associées aux explosions d’étoiles peuvent accélérer des particules à des énergies 100 fois plus grandes que le LHC. Mais il existe des rayons cosmiques encore plus énergétiques, et les astronomes s’interrogent encore sur leur origine: ce nouveau résultat suggère que les superbulles galactiques pourraient être une des origines possibles de ces rayons cosmiques ultra énergétiques.

Les régions externes des superbulles génèrent des ondes de choc quand elles s’étendent et entrent en collision avec le gaz environnant. Les scientifiques pensent que les particules chargées diffusent ou rebondissent sur les lignes de champ magnétiques associées aux ondes de choc, comme des billes rebondissant sur les éléments d’un flipper. Quand les particules traversent le front du choc, elles sont accélérées, comme propulsées par les raquettes d’un flipper. Ces particules énergétiques peuvent ensuite s’échapper et certaines finissent par entrer en collision avec l’atmosphère terrestre sous forme de rayons cosmiques.

La quantité de rayonnement radio ou de rayons X à différentes longueurs d’onde, qu’on appelle le « spectre » de ces superbulles, suggère que dans l’une d’elles, la source de l’émission vient d’électrons spiralant autour des lignes de champ magnétique, et émettant du rayonnement par un phénomène nommé émission synchrotron. C’est la première fois que la preuve directe d’émission de radiation synchrotron en rayons X énergétiques est obtenue pour une superbulle galactique, et cela renseigne les scientifiques sur les énergies maximales atteintes par les électrons. La raison pour laquelle cette émission synchrotron est détectée dans une seule des deux superbulles n’est pas encore comprise.

Les spectres radio et en rayons X, ainsi que la localisation de l’émission X le long des parois des bulles impliquent que les particules responsables de l’émission X doivent avoir été accélérées au sein des ondes de choc, car elles auraient perdu trop d’énergie si elles avaient été transportées depuis le centre de la galaxie.

Les superbulles de NGC 3079 sont des cousines plus jeunes des « bulles de Fermi », identifiées dans notre Voie Lactée pour la première fois en 2010. Les astronomes pensent que de telles superbulles pourraient se former quand des processus associés avec la chute de matière dans un trou noir supermassif au centre de la galaxie libérent des quantités d’énergie colossales sous forme de particules et de champs magnétiques. Les superbulles pourraient aussi être sculptées par les vents stellaires associés à la naissance d’un grand nombre d’étoiles massives.

Un papier décrivant ces résultats a été piloté par Jiangtao Li de l’Université du Michigan, et est paru dans The Astrophysical Journal. Yelena Stein, post-doctorante à l’Observatoire astronomique de Strasbourg, a analysé les données radio du programme CHANG-ES de cette galaxie pour déterminer l’intensité du champ magnétique. La mission Chandra est gérée par le Marshall Space Flight Center à Huntsville, Alabama, pour le compte du Science Mission Directorate de la NASA à Washington. Le Smithsonian Astrophysical Observatory de Cambridge, Massachusetts supervise les opérations de vol et la science de Chandra.

Contact à Strasbourg: Yelena Stein, yelena.stein@astro.unistra.fr

Communiqué de presse sur le site de Chandra.