oct. 1 2018
Une équipe d’astrophysiciens de l’Observatoire Astronomique de Strasbourg vient de créer une carte du ciel complet révélant la structure et la cinématique de courants d’étoiles dans le halo de la Voile Lactée. Cette carte a pu être réalisée grâce à la qualité sans précédent des données Gaia (une mission astrométrique de l’Agence Spatiale Européenne en cours). Cette première cartographie des sous-structures du halo galactique est un premier pas dans la compréhension de l’histoire compliquée de la formation de notre Galaxie.
La formation et l’évolution des galaxies est un des grands problèmes de l’astrophysique. Les galaxies, comme notre Voie Lactée, sont des systèmes physiques assez complexes souvent structurés en plusieurs composantes. Par exemple, la Voie Lactée contient trois composantes principales : en son centre, une région centrale contenant une forte densité d’étoiles nommée le bulbe ; un disque aplati de gaz et d’étoiles qui définit le plan de la galaxie ; et un halo diffus d’étoiles entourant le tout. L’un des modèles dominants pour expliquer la structure compliquée et la composition de notre Galaxie, connu sous le nom de modèle hiérarchique de formation, suggère que le halo de la Voie Lactée s’est construit sur une longue période de temps par agrégation et accrétion d’éléments plus petits (comme de petites galaxies satellites). Les simulations numériques effectuées selon ce paradigme montrent que lorsque des systèmes stellaires de faible masse en orbite autour d’une galaxie passent trop près du centre de celle-ci, ils sont déformés et dispersés par les forces de marée (Figure 1). Ce processus arrache des étoiles du progéniteur et crée des résidus que l’on appelle « débris de marée ». Un ensemble d’événements de fusion et d’accrétion dans l’environnement d’une galaxie finit par produire une distribution d’étoiles inhomogène dans le halo galactique. Si ce modèle de formation cosmologique hiérarchique est correct, l’on devrait trouver dans le halo des résidus fossiles d’événements d’accrétion passés ou en cours.
Avec l’arrivée du catalogue Gaia (Gaia DR2), l’équipe a conçu un algorithme spécialisé pour rechercher de tels résidus stellaires dans les données Gaia. STREAMFINDER est le nom de cette nouvelle méthode numérique qui détecte des courants d’étoiles dans le halo de la Voie Lactée. Les courants d’étoiles (Figure 2) sont une classe de débris stellaires formés quand les perturbations de marée gravitationnelle agissent lentement. L’algorithme traque des groupes d’étoiles partageant des orbites similaires, et contenant seulement certains types de populations stellaires. Le catalogue Gaia DR2 étant un jeu de données massif, avec les paramètres physiques de plus de 1,6 milliards d’étoiles de la Voie Lactée, le traitement des données s’avérait gourmand en ressources de calcul. Mais l’équipe a pu bénéficier du soutien de l’Initiative d’Excellence de l’Université de Strasbourg pour avoir assez de puissance de calcul.
Le jour même où les données ont été rendues publiques, le 25 avril 2018, STREAMFINDER a été lancé sur les données Gaia. L’étude a révélé, pour la première fois, une carte structurelle et dynamique des courants d’étoiles dans le halo de la Voie Lactée (Figure 3). Les chercheurs ont mis en évidence un riche réseau de courants entrecroisés, présentant souvent une cohérence cinématique frappante. Plusieurs des structures visibles dans la Figure 3 sont de nouvelles découvertes. L’encombrement de ces cartes renforce l’image d’une Voie Lactée ayant accumulé des étoiles lors d’un grand nombre d’événements d’accrétion. Bien que ces résultats ne soient qu’une première étape dans la cartographie du halo stellaire, ils montrent déjà toute la richesse de la mission Gaia, confirmant son rôle crucial pour révéler l’histoire de la formation de notre Galaxie.
Article: Ghostly Tributaries to the Milky Way: Charting the Halo’s Stellar Streams with the Gaia DR2 catalogue. Khyati Malhan, Rodrigo A. Ibata & Nicolas F. Martin
Accepté: 5th September 2018 by Monthly Notices of Royal Astronomical Society
Contact: Khyati Malhan (étudiant en thèse), kmalhan07@gmail.com, @kmalhan07
Nicolas Martin, nicolas.martin@astro.unistra.fr