Au cœur de notre propre Galaxie, la Voie lactée, se trouve un trou noir supermassif. Situé dans la constellation du Sagittaire, d’où son nom Sgr A*, ce trou noir est aujourd’hui inactif. Pourtant, d’étranges signatures en rayons X ont été observées autour de Sgr A*, suggérant que ce trou noir supermassif aurait pu être beaucoup plus actif dans le passé. Quand ? Pourquoi ? Le satellite IXPE, issu d’une collaboration NASA-ASI, a été pointé vers le centre galactique pour résoudre ce mystère.
Le satellite IXPE, conjointement aux télescopes spatiaux Chandra and XMM-Newton, a observé des nuages moléculaires géants près du trou noir supermassif, étrangement brillants en rayons X. Grâce à cela, IXPE a découvert l’origine de ce rayonnement en mesurant la polarisation de la lumière, qui est la direction et l’intensité moyennes du champ électrique des ondes lumineuses.
Les données IXPE, qui montrent l’écho de l’activité passée, sont visibles en orange dans le panneau inférieur. Elles ont été combinées avec les données de Chandra, un autre observatoire X de la NASA, visibles en bleu, qui ne montrent que la lumière directe du centre galactique. Le panneau supérieur est une vue beaucoup plus large du centre de la Voie lactée obtenue grâce à Chandra.
Crédits: NASA/CXC/SAO/IXPE
Grâce à cette mesure de polarisation, l’équipe menée par Frédéric Marin, astrophysicien à l’Observatoire astronomique de Strasbourg, a pu déterminer l’origine de ces rayons X, qui sont en fait un écho d’un violent flash aujourd’hui éteint. En effet, l’angle de polarisation a agi comme une boussole, pointant vers la mystérieuse source d’illumination : le trou noir Sgr A*. Mais ce n’est pas tout car, grâce au degré de polarisation, il a été possible de déterminer la distance entre les nuages moléculaires et Sgr A*, et donc de dater l’écho vu en rayons X : près de 200 ans.
À partir de cette estimation, une limite de l’intensité réelle du flash d’origine a pu être estimée. Elle correspond à un flux comparable à celui d’une galaxie Seyfert, c’est-à-dire une galaxie dont la luminosité du cœur est d’intensité comparable à la luminosité totale des étoiles qui la compose. Cela signifie que Sgr A* a été au moins un million de fois plus brillant qu’aujourd’hui, dans un passé relativement proche.
L’équipe du Dr. Marin continuera d’observer le voisinage de Sgr A* pour améliorer l’estimation de l’époque du flash, son intensité d’origine et la distribution tridimensionnelle des nuages moléculaires géants. Ce faisant, il sera possible de retracer l’origine de l’activité passée de Sgr A* et de déterminer quels processus physiques sont à même de temporairement réactiver un trou noir supermassif.
Sonification des données
Les données ont été traduites en son, en effectuant un balayage circulaire, suivant la trajectoire de la lumière émise lors de l’explosion de Sgr A* (hors image). La position horizontale correspond à la position stéréo du son. Pour les données IXPE, le spectre des rayons X (de la région de l’écho) est converti directement en spectre audio, 51 et 52 octaves en dessous des vraies fréquences. La luminosité contrôle le volume. Pour les données Chandra, la luminosité contrôle la hauteur et le volume de la musique.
Article : X-ray polarization evidence for a 200 years-old flare of Sgr A∗, F. Marin et al., Nature, 2023.
Contacts: Frédéric Marin (frederic.marin@astro.unistra.fr), Thibault Barnouin (thibault.barnouin@astro.unistra.fr)
En savoir plus :
– Communiqué de presse CNRS.
– Article dans le magazine Savoir(s) de l’Université de Strasbourg.
– Communiqué de presse NASA (en anglais).
– AFP / France 24, Radio France, Sciences et Avenir, Science et Vie, Futura Sciences, Géo, CNET, 20 Minutes, Ca se passe là haut…