14 décembre 2022Première lumière pour WEAVE, spectrographe de dernière génération

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Nouveau spectrographe du télescope William Herschel (Canaries, Espagne), WEAVE vient de collecter avec succès ses premières lumières de galaxies. L’observation du Quintette de Stephan, un groupe de cinq galaxies, a permis de démontrer ses capacités inédites et promet à la communauté astronomique de nombreuses découvertes. En France, WEAVE a été soutenu par le CNRS, l’Observatoire de Paris-PSL et l’Observatoire de la Côte d’Azur.

Des observations presque 100 fois plus rapides qu’avant. C’est la puissance que l’instrument WEAVE installé sur le télescope William Herschel à l’Observatoire du Roque de los Muchachos met à disposition des astronomes. Il vient d’en faire la preuve en captant ses premières lumières, venues du Quintette de Stephan, un groupe de cinq galaxies dont certaines entrent en collision.

Mode d’observation de WEAVE pointant vers le Quintette de Stephan pour l’observation de la première lumière. Il recueille la lumière de 547 points du ciel qui seront analysés par le spectrographe. L’observation fournit des informations physiques de chaque région distincte de chaque galaxie ainsi que de l’espace qui les sépare.
© NASA, ESA, CSA, STScI (image de fond) ; Aladin (superposition avec les fibres)

Les scientifiques de l’Isaac Newton Group of Telescopes (ING)1 se sont intéressés en particulier à ces dernières, NGC 7318a et NGC 7318b. Les spectres révèlent la présence de gaz bien en dehors des disques galactiques : les nuages d’hydrogène sont poussés hors de leurs orbites par l’intrusion à grande vitesse, presque 3 millions de km/h, de la galaxie NGC 7318b, qui se déplace directement vers nous à travers le centre du Quintette de Stephan (voir images).

Vitesses dérivées des spectres WEAVE (en bleu, vert et rouge) superposées sur une image composite du Quintette de Stephan. Les vitesses indiquent que la galaxie centre-gauche NGC 7318b (en bleu) est une intruse tardive, entrant dans le groupe par l’arrière et passant devant NGC 7318a (en rouge) à 800 km/s (près de 3 000 000 km/h) par le centre du Quintette de Stephan. Cette collision à grande vitesse crée des ravages dans NGC 7318b, notamment au niveau de ses réservoirs d’hydrogène gazeux qui sont dépouillés. Il est probable que la formation de nouvelles étoiles dans cette galaxie soit fortement ralentie car l’hydrogène est le premier carburant de ce processus.
© NASA, ESA, CSA, STScI (image de fond) ; Aladin (superposition avec les fibres)

Ces observations ont été réalisées avec un des trois modes de WEAVE, pour lequel 547 fibres optiques très rapprochées envoient la lumière d’une zone hexagonale du ciel vers le spectrographe, où elle est analysée et enregistrée. La première lumière de WEAVE démontre non seulement qu’il fonctionne, mais aussi qu’il produit des données de grande qualité promettant d’importantes découvertes dans les années à venir.

Avec ce mode d’observation, WEAVE produit en deux heures des spectres des régions dans et autour des galaxies.
Au niveau des deux noyaux de galaxie (en haut à droite), les spectres indiquent des étoiles moyennement vieilles (un milliard d’années) et aucune formation d’étoiles en cours. Les spectres étroits et pointus en bas à droite sont typiques des gaz (hydrogène, oxygène, azote, soufre) chauffés à plus de 10 000 degrés par de très jeunes étoiles, tandis que les pics larges et asymétriques des spectres montrés à gauche indiquent des chocs turbulents entre les nuages de gaz. WEAVE est particulièrement précis dans sa mesure des vitesses. Le spectre en rouge, obtenu avec la plus haute résolution spectrale de l’instrument dans ce mode, permet de mesurer des vitesses à des précisions de 12,5km/s.
© ING, WEAVE Project, Marc Balcells, and Javier Mendez.

La construction de WEAVE a été financée en France par le CNRS, l’Observatoire de Paris-PSL, les régions Île-de-France2 et Bourgogne-Franche-Comté. Il a également profité de l‘expertise des laboratoires Galaxies, étoiles, physique, instrumentation (Observatoire de Paris-PSL/CNRS) et Lagrange (CNRS/Observatoire de la Côte d’Azur/Université Côte d’Azur), et du soutien de l’Observatoire des sciences de l’Univers Terre homme environnement temps astronomie (CNRS/Université Bourgogne Franche-Comté). Ces laboratoires français participeront aux côtés d’autres3 aux futurs programmes d’observations.

Plusieurs chercheurs et ingénieur de l’ObAS sont fortement impliqués dans la préparation des observations et participeront à l’exploitation scientifiques des données à venir, en particulier sur les questions relatives à la structure et à l’évolution de notre Galaxie.

Notes

1 – L’ING est constitué de deux télescopes situés à l’observatoire du Roque de los Muchachos. En 2016, les pays du partenariat ING (le Royaume-Uni, l’Espagne et les Pays-Bas), rejoints par la France et l’Italie, ont signé un accord pour concevoir et construire WEAVE, chaque pays contribuant aux principaux composants, et l’ING fournissant les systèmes auxiliaires et la gestion globale du projet.

2 – Le projet WEAVE a été financé dans le cadre du Domaine d’intérêt majeur « Astrophysique et conditions d’apparition de la vie » 2012-2016 de la région Île-de-France.

3 – Le Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS/Aix-Marseille Université/CNES), le Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux), l’Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Grenoble Alpes) et l’Observatoire astronomique de Strasbourg (CNRS/Université de Strasbourg).

Pour en savoir plus :
Communiqué de presse ING: WEAVE First Light (en anglais)
Article scientifique : https://arxiv.org/abs/2212.03981
Contacts:
Chercheur ObAS | Benoit Famaey | benoit.famaey@astro.unistra.fr
Chercheur CNRS et responsable national de WEAVE | Piercarlo Bonifacio | piercarlo.bonifacio@observatoiredeparis.psl.eu
Presse CNRS | François Maginiot | francois.maginiot@cnrs.fr